Les Saints Mystères(1)
(Sacrements)
LA VIE DE L'EGLISE DANS L'ESPRIT SAINT
La vie nouvelle
L'Eglise est entourée par le monde pécheur, privé de
lumière; cependant, elle est en soi une nouvelle création, créatrice
d'une nouvelle vie. Et chacun de ses membres est appelé à recevoir et
à créer en lui cette nouvelle vie qui devrait être précédée, de la part
du futur membre de l'Eglise, d'une rupture avec la vie "du monde".
Cependant cette rupture avec "le monde" ne signifie pas un
éloignement total de toute vie terrestre, de toute cohabitation avec
le reste de l'humanité, souvent incroyant et corrompu; autrement,
écrit l'Apôtre Paul, il faudrait que vous sortiez de ce inonde.
(I Cor. 5:10). Cependant, afin d'entrer dans l'Eglise, il est nécessaire
de s'écarter du pouvoir du diable et de devenir, dans ce monde pêcheur,
étrangers et voyageurs (I Pierre 2:11). Une frontière nette doit
être tracée entre soi-même et "le monde", et c'est pourquoi,
ouvertement et avec droiture, on s'engage à renoncer au diable ; parce
que l'on ne peut servir deux maîtres. Purifiez-vous du vieux levain
afin que vous soyez une pâte toute nouvelle (I Cor 5:7).
Par conséquent, depuis les âges les plus anciens de la Chrétienté, l'entrée
dans l'Eglise est précédée d'une "renonciation au diable"
spéciale, à laquelle succède le baptême avec la purification de la souillure
du péché. Les Lectures Catéchétiques de Saint Cyrille de Jérusalem nous
renseignent de manière détaillée à ce sujet. Dans ses Homélies aux Catéchumènes,
nous voyons que les "prières d'exorcisme", qui figurent dans
la célébration actuelle du baptême Orthodoxe, ainsi que la véritable
"renonciation à satan" prononcée par la personne qui se présente
au baptême, sont fondamentalement très similaires à l'ancien rite Chrétien.
C'est ensuite que l'entrée dans le Royaume de grâce, la renaissance
"de Veau et du Saint-Esprit" est ouverte (Jean 3:5-6).
Les propres mots du Sauveur lui-même nous enseignent comment croître
ensuite dans cette nouvelle vie : "le Royaume de Dieu est semblable
à ce qui arrive lorsqu'un homme a jeté de la semence en terre : soit
qu'il dorme, ou qu'il se lève durant la nuit et durant le jour, la semence
germe et croît sans qu'il sache comment; car la terre produit d'elle-même,
premièrement l'herbe, ensuite l'épi, puis le blé tout formé qui remplit
l'épi' (Marc 4:26-28). Ainsi cette nouvelle vie - dans la mesure
où elle est reçue intérieurement, où un homme désire sincèrement rester
en elle, où, de son côté, il s'efforce de rester en elle - agit en lui
avec le pouvoir mystique de l'Esprit-Saint, bien que ce processus puisse
presque lui être insensible.
La vie entière de l'Eglise est traversée par les actions mystiques de
l'Esprit-Saint. "La cause de toute préservation repose en l'Esprit-Saint.
S'Il pense qu'il est bon de souffler sur un homme. Il l'élève au-dessus
des choses de la terre, le fait croître, et l'établit en haut"
(Antiphones des Matines du Dimanche, Sixième Ton). Par conséquent, chaque
prière de l'Eglise, publique ou privée, commence avec la prière à l'Esprit-Saint:
"Roi du Ciel, Consolateur, Esprit de Vérité, Toi qui es partout
présent et qui remplit tout, trésor des biens et donateur de Vie, viens
et demeure en nous, purifie-nous de toute souillure et sauve nos âmes.
Toi qui es bonté." De même que l'eau et la rosée, tombant sur la
terre, vivifient et nourrissent et font croître toute chose susceptible
de croître, de même les pouvoirs de l'Esprit-Saint agissent dans l'Eglise.
Dans les Epîtres des Apôtres, les actions de l'Esprit-Saint sont appelées
grandeur de la puissance - lit. "surabondance de puissance"
- (II Cor. 4:7), "puissance Divine"(II Pierre 1:3), ou "par
le Saint-Esprit". Mais le plus fréquemment elles sont désignées
par le mot "grâce". Ceux qui rentrent dans l'Eglise, sont
entrés dans le Royaume de grâce, et ils sont invités à se présenter
avec confiance devant le trône de la grâce, afin d'y recevoir miséricorde
et d'y trouver le secours de sa grâce dans nos besoins (Héb.4:16;
voir également Héb ch. 10-14).
La grâce
Le mot "grâce", dans les Ecritures Sacrées
a plusieurs sens.
Il signifie en général la miséricorde de Dieu : Dieu est le Dieu
de toute grâce ( I Pierre 5:10). Ici, entendue au sens le plus large,
la grâce est la bienveillance de Dieu à l'égard des hommes dignes de
l'histoire de l'humanité, et particulièrement des justes de l'Ancien
Testament tels Abel, Enoch, Noé, Abraham, le Prophète Moïse, et les
derniers Prophètes.
Dans un sens plus précis, le concept de grâce se réfère au Nouveau Testament
où l'on distingue deux sens fondamentaux de ce concept. Premièrement,
la grâce de Dieu - la grâce du Christ - signifie l'entière économie
de notre salut, accomplie par la venue du Fils de Dieu sur terre, par
Sa vie terrestre, Sa mort sur la Croix, Sa Résurrection, et Son Ascension
au ciel : car c'est par grâce que vous êtes sauvés en vertu de la
foi; et cela ne vient pas de vous, puisque c'est un don de Dieu. Cela
ne vient pas de vos oeuvres, afin que nul ne s'en glorifie (Eph.
2:8-9). Secondement, la grâce est le nom appliqué aux dons de l'Esprit-Saint
qui ont été envoyés et qui sont envoyés à l'Eglise du Christ sur terre,
pour la sanctification de ses membres, pour leur croissance spirituelle
et pour leur accession au Royaume des Cieux.
Le Nouveau Testament, dans cette seconde acception du mot "grâce",
désigne une énergie envoyée de haut en bas, l'énergie de Dieu qui est
dans l'Eglise du Christ, qui donne naissance, qui donne la vie, perfectionne,
et qui gratifie le Chrétien croyant et vertueux de l'acquisition du
salut, apporté par le Seigneur Jésus Christ
Les Apôtres dans leurs écrits confèrent souvent au mot grec χαρις
charis : "grâce" - un sens identique au mot δυναμις
- dynamis : "énergie ou force agissante". Le terme
"grâce" dans le sens d'"énergie" donnée d'en haut
pour la vie sainte apparaît de nombreuses fois dans les Epîtres des
Apôtres (II Pierre 1:3, Romains 5:2, Romains 16:20,I Pierre 5:12, II
Pierre 3:18, II Tim. 2:1,1 Cor. 16:23, II Cor. 13:14, Gai. 6:18, Eph.
6:24, et dans d'autres passages). L'Apôtre Paul écrit : "Le
Seigneur m'a répondu : Ma grâce te suffit, car Ma puissance éclate davantage
dans la faiblesse"(II Cor. 12:9).
Il est important de souligner cette distinction entre les deux significations
du mot "grâce", ainsi que son interprétation prépondérante
dans l'Ecriture Sacrée du Nouveau Testament en tant qu'énergie Divine,
surtout parce que l'enseignement du Protestantisme, à propos de la grâce,
concerne uniquement la signification générale de la grande tâche de
notre Rédemption du péché par l'exploit du Sauveur sur la Croix, après
lequel - comme le pensent les protestants - un homme qui est arrivé
à croire et qui a reçu la rémission des péchés est déjà sauvé. Cependant,
les Apôtres nous enseignent qu'un Chrétien, recevant la justification
par la grâce générale de la rédemption, se trouve dans cette vie comme
un individu seulement "sauvé" (I Cor. 1:18) et a besoin du
support des énergies données par la grâce. "Nous accédons par
la foi à cette grâce, en laquelle nous demeurons fermes "(Rom.
5:1-2); "car ce n'est encore qu'en espérance que nous sommes
sauvés" (Rom. 8: 24).
Comment, alors, agit la grâce salvatrice de Dieu?
La naissance spirituelle puis la croissance spirituelle ont lieu sous
l'action mutuelle de deux principes. L'un d'eux est la grâce de l'Esprit-Saint;
l'autre est l'ouverture du coeur de l'homme pour la recevoir, une soif
pour elle, le désir de la recevoir, comme une terre assoiffée et sèche
qui reçoit l'humidité de la pluie - en d'autres termes, un effort personnel
pour la réception, la préservation et l'action dans l'âme des dons Divins.
En ce qui concerne la synergie ou coopération de ces deux principes,
l'Apôtre Pierre dit : "Comme Sa puissance Divine nous a donné
toutes les choses qui regardent la vie et la piété,.... vous devez aussi
de votre part ajouter tout le soin possible pour joindre à votre foi
la vertu; à la vertu la science; à la science la tempérance; à la tempérance
la patience; à la patience la piété; à la piété l'amour de vos frères;
et à l'amour de vos frères la charité. Car si ces grâces se trouvent
en vous, et qu'elles y croissent de plus en plus, elles feront que la
connaissance que vous avez de notre Seigneur Jésus Christ ne sera point
stérile et infructueuse. Mais celui en qui elles ne seront point, est
un aveugle qui marche à tâtons, et qui a oublié de quelle sorte il a
été purifié des péchés de sa vie passée "(II
Pierre 1:3-9). A ce même propos, nous lisons chez l'Apôtre Paul: "Ayez
soin d'opérer votre salut avec crainte et tremblement. Car c'est Dieu
qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon qu'il lui plaît."
(Phil. 2:11-13); c'est-à-dire, vous coopérez vous-même, mais souvenez-vous
que tout vous est donné par la grâce de Dieu. " Si le Seigneur
ne construit la maison des vertus, en vain oeuvrons-nous." (Hymne
des Degrés des Matines du Dimanche, Ton 3).
En accord avec l'enseignement sacré, le Concile de Carthage, au troisième
siècle, a décrété : "Quiconque dira que la grâce de Dieu, par laquelle
un homme est justifié par notre Seigneur Jésus-Christ, ne sert qu'à
la rémission des péchés passés, et non à prévenir de commettre les péchés
futurs, qu'il soit anathème. Parce que la grâce du Christ, non seulement
donne la connaissance de notre devoir, mais aussi nous inspire le désir
de pouvoir accomplir ce que nous savons" (Canons 125, aussi 126
et 127; pour le texte anglais voir Eerdmans Seven Ecumenical Councils,
p. 497- Canons 111 et 112 du "Code Africain").
L'expérience des ascètes orthodoxes leur inspire d'appeler les Chrétiens,
de toute leur énergie, à l'humble reconnaissance de leur propre infirmité,
afin que la grâce salvatrice de Dieu puisse agir. A ce propos, les expressions
de St. Siméon le Nouveau Théologien (Xème siècle) sont très significatives
:
"Si la pensée vous vient, instillée par le diable, que votre salut
est accompli, non par la puissance de votre Dieu, mais par votre propre
sagesse et par votre propre puissance, et si votre âme acquiesce à une
telle pensée, la grâce la déserte. La lutte contre cette bataille si
puissante et si ardue qui s'élève dans l'âme doit être engagée par l'âme
jusqu'à notre dernier souffle. L'âme doit, avec le béni Apôtre Paul,
appeler à pleine voix, à l'attention des anges et des hommes: Ce
n'est pas moi, mais la grâce de Dieu qui est en moi. Les Apôtres
et les prophètes, les martyrs et les hiérarques, les saints moines et
les justes, tous ont confessé cette grâce de l'Esprit-Saint, et pour
l'amour d'une telle confession et avec son aide, ils ont lutté vaillament
et achevé leur chemin" (Homélies de St. Siméon le Nouveau Théologien,
Homélie 4).
Celui qui porte le nom de Chrétien, (nous lisons chez le même Saint-Père),
"s'il ne porte pas dans son cœur la conviction que la grâce
de Dieu, donnée pour la foi, est la miséricorde de Dieu... s'il ne s'efforce
pas de recevoir la grâce de Dieu, tout d'abord par le Baptême, ou si,
l'ayant eue et elle, l'ayant quitté à cause de ses pêchés, il ne s'efforce
pas à la faire revenir par le repentir, la confession, et une vie contrite;
et si, par l'aumône, les veilles, les prières et tout le reste, il pense
qu'il accomplit de glorieuses vertus et des bonnes actions, valables
en elles-mêmes - alors il œuvre et s'épuise en vain" (Homélie
2).
Quel est, alors, le sens de la lutte ascétique? C'est une arme contre
la concupiscence de la chair, et la concupiscence des yeux, et l'orgueil
de la vie (I Jean 2:15-16). C'est le défrichage du terrain de l'âme,
la mise à l'écart de ses pierres, le sarclage de ses mauvaises herbes,
l'assèchement de ses marécages, afin de préparer les semailles sacrées
qui seront moissonnées d'en haut par la grâce de Dieu.
La Providence de Dieu et la Grâce
De ce qui vient d'être exposé, il découle qu'il existe
une différence entre les concepts de Providence Divine et de grâce.
La Providence est ce que nous appelons la puissance de Dieu dans
le monde, qui supporte l'existence du monde, sa vie, y compris l'existence
et la vie de l'humanité et de chaque homme; tandis que la grâce est
l'énergie ou la force agissante de l'Esprit-Saint qui pénètre l'être
intérieur de l'homme, et qui le conduit à la perfection spirituelle
et au salut.
Les Mystères (Sacrements)
La vie intérieure de l'Eglise est mystique (ou
sacramentelle)(l) Elle ne coïncide pas du tout avec l'histoire de
l'Eglise, qui nous montre uniquement les événements extérieurs de
l'existence de l'Eglise, et particulièrement son entrée en conflit avec
la vie mondaine et les passions du monde. La vie intérieure de l'Eglise
est la coopération mystique entre le Christ - sa Tête - et l'Eglise
- son Corps - dans l'Esprit-Saint, par le moyen de tous leurs liens
qui se renforcent mutuellement : Ce mystère est grand, dis-je, en
Jésus-Christ et en l'Eglise, nous enseigne l'Apôtre (Eph. 5:32).
Par conséquent, lorsque les Apôtres se nomment eux-mêmes "serviteurs
des mystères de Dieu", en disant, Que les hommes nous considèrent
comme les ministres de Jésus-Christ et les dispensateurs des mystères
de Dieu (I Cor. 4:1; en grec :οικονμυς
μυοτεριων Θεου),
ils ont en tête plusieurs formes de leur ministère et service, comme
par exemple: a) la prédication, b) le baptême des nouveaux croyants,
c) l'appel de l'Esprit-Saint par l'ordination, d) le renforcement de
l'unité en Christ des croyants par le Mystère de l'Eucharistie, e) l'approfondissement
des cœurs des croyants dans les mystères du Royaume de Dieu, l'approfondissement
des plus parfaits dans la sagesse de Dieu, renfermée dans son mystère,
cette sagesse cachée qu'il avait prédestinée et préparée avant tous
les siècles pour notre gloire. (I Cor. 2:6-7).
Ainsi, l'activité des Apôtres était faite d'éléments mystiques (mysterion).
Parmi eux, la place centrale ou dominante était occupée par les
rites sacrés. Par conséquent, il est tout à fait naturel que
dans la vie de l'Eglise les rites sacrés dans leur ensemble, aient acquis
graduellement le nom de "mystères". Saint Ignace le Théophore,
disciple direct des Apôtres, écrit en ce qui concerne les diacres qu'ils
sont comme "les serviteurs des mystères de Jésus-Christ"
(Epitre aux Troyens, par. 2). Ces mots de St. Ignace récusent l'affirmation
des historiens protestants selon laquelle, dans l'Eglise ancienne, le
concept de "mystères" ou de "sacrements" n'était
pas supposé être appliqué aux rites sacrés.
Les rites sacrés appelés "mystères" sont, comme par le passé,
les cimes de cette chaîne longue des rites et des prières conservés
dans les services Divins.
Dans les Mystères, les prières sont associées aux bénédictions, d'une
manière ou d'une autre, et avec des actes spéciaux. Les paroles de bénédiction
accompagnées par les actes sacrés extérieurs sont, comme par le passé,
des vaisseaux spirituels qui portent la grâce de l'Esprit-Saint aux
membres de l'Eglise qui sont de sincères croyants.
Ainsi, un mystère (sacrement) est un acte sacré qui, sous un aspect
visible, transmet à l'âme du croyant l'invisible grâce de Dieu.
Le nom de "mystère" se réfère, dans l'Eglise, à sept rites
(2) : le Baptême, la Chrismation, la Communion (l'Eucharistie),
le Repentir (la Confession), l'Ordination, le Mariage, et l'Onction.
Le Cathéchisme chrétien développé définit ainsi l'essence de
chaque Mystère :
"Par le Baptême, l'homme naît mystiquement à sa vie spirituelle.
Par la Chrismation, il reçoit la grâce qui lui permet de croître et
de se renforcer. Par la Communion il est spirituellement nourri. Par
le Repentir ou la Confession, il est guéri de ses maladies spirituelles
- de ses péchés. Par l'Ordination, il reçoit la grâce pour régénérer
et nourrir spirituellement les autres au moyen de l'enseignement, de
la prière et des Mystères. Par le Mariage, il reçoit la grâce qui sanctifie
son union ainsi que la procréation et l'éducation des enfants. Par l'Onction,
il est guéri des maladies du corps par la guérison des maladies spirituelles."
Pour l'Eglise considérée comme un tout, c'est-à-dire comme Corps du
Christ et comme la "cour du troupeau du Christ", les Mystères
suivants sont particulièrement importants et occupent la première place
: a) le Mystère du Corps et du Sang du Christ, ou l'Eucharistie; b)
le Mystère de sanctification des personnes choisies pour assurer le
service de l'Eglise dans les différents degrés de la hiérarchie, ou
Ordination, qui donne l'indispensable structure de l'Eglise; et ensemble
avec les suivants, c) le Mystère du Baptême, qui regarde à accroître
le nombre des membres de l'Eglise. De même les autres Mystères, qui
transmettent individuellement la grâce aux croyants, sont indispensables
à la plénitude et la sainteté de l'Eglise elle-même.
Il convient de distinguer "l'efficience" du Mystère (c'est-à-dire,
ce qui en soi est une authentique puissance dispensatrice de grâce)
de "l'efficacité" du Mystère (c'est à dire, la mesure selon
laquelle celui qui reçoit le Mystère se voit octroyer cette puissance
dispensatrice de grâce). Les Mystères sont" des moyens qui agissent
infailliblement par la grâce sur ceux qui viennent à eux", comme
il est dit dans l'Epître aux Patriarches d'Orient. Cependant, la fertilité
de leur réception par les fidèles- leur pouvoir salvateur et de renouveau
- dépend de la dignité avec laquelle l'homme approche le Mystère. La
réception indigne du Mystère n'apporte pas la justification mais la
condamnation. La grâce n'interfère pas avec la liberté de l'homme, elle
ne s'impose pas irrésistiblement à lui. Souvent les gens qui font appel
aux Mystères n'en reçoivent pas ce qu'ils pourraient donner, parce que
leurs cœurs ne sont pas ouverts pour recevoir la grâce, ou parce
qu'ils n'ont pas su préserver les dons qu'ils avaient reçus de Dieu.
C'est pourquoi, il arrive que des baptisés, non seulement ne remplissent
pas les vœux qu'eux ou leurs répondants ont donnés, et non seulement
sont privés de la grâce de Dieu qui leur a déjà été donnée, mais souvent,
pour leur propre perdition, il deviennent des ennemis de Dieu, des renégats,
des incroyants, des "apostats".
De ce fait, la dignité des Mystères est incontestablement réduite. Les
grandes réalisations de sainteté, de vertu, les rangs des martyrs pour
la foi, les confesseurs, les ascètes et les thaumaturges, qui même sur
la terre "sont devenus des anges et des hommes célestes"-
exploits inconnus en dehors de la vraie Chrétienté - sont les actions
de l'invisible grâce de Dieu, reçue par le Baptême et la Chrismation,
précieusement gardée par le repentir et la communion aux Saints Mystères,
et préservée dans l'humble et tremblante conscience que dans chaque
Chrétien "le Christ est Celui qui lutte et qui vainc, et qu'Il
est le Seul Qui en appelle à Dieu, prie, remercie, vénère et cherche
avec supplication et humilité. Tout cela, le Christ le fait, réjoui
et content, quand Il voit que, dans chaque Chrétien, la conviction que
le Christ est Celui qui accomplit tout cela, existe et demeure"
(St. Siméon le Nouveau Théologien, Homélie 4).
Notes
1) Le mot "mystères" (Grec mysteria) est le terme
utilisé par l'orient Orthodoxe; "sacrements" (Latin sacramenta)
est celui utilisé par l'occident Latin. Etant donné que le dernier
terme était utilisé en Occident avant le schisme de l'Eglise Romaine,
rien ne restreint son usage par les Chrétiens Orthodoxes de l'Occident,
surtout du fait que peu de personnes autour d'eux sont habitués au mot
"mystères", cependant les Orthodoxes préfèrent souvent utiliser
l'expression grecque. L'adjectif "mystique", utilisé en Orient,
a bien sûr une connotation assez différente et plus intérieure que l'adjectif
occidental "sacramentel", qui se réfère plus spécifiquement
aux rites extérieurs des Mystères.
2) Il est permis dé dire que dans l'Orient Orthodoxe, le chiffre sept
ne représente pas le nombre "absolu" de Mystères, comme cela
tend a être considéré dans l'Occident Latin. Plus communément, il est
vrai que l'on ne parle que de sept Mystères, mais certains autres rites
sacrés, - par exemple la tonsure monacale -, pourraient être considérés,
de manière informelle, comme des "Mystères".
Archiprêtre Michel Pomozansky, Jordanville, 1963 (2ème
partie, pp.l66-172)ou, dans sa version en anglais, Orthodox Dogmatic Theology,
Platina, Cal. 1984, pp 255-261.
traduction de Pierre Frugier
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