Le Triode de Carême
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Chaque chef de coeur, choriste et lecteur a sa fête préférée ou un office qu'il attend particulièrement et auquel il se prépare plus et pour la majorité, si ce n'est pas pour tous, c'est quelque chose du Triode de Carême, soit de la période préparatoire au Carême...: "Ouvre-moi les portes de la pénitence , "Sur les fleuves de Babylone", soit "Mon Aide et mon Protecteur" (1 ), de la première semaine du Carême, soit quelque chose de la Semaine Sainte... : "Voici l'époux" (2) ou "Ô mon Sauveur, je contemple Ton palais" (3) , tout d'abord ou une mélodie particulièrement chère "Au bon Larron"  (4) (5) , "Le noble Joseph"  (6) , "Jadis sous les flots de la mer". (7 ). Pour tous les membres du choeur, c'est la période de l'année où l'on a le plus de responsabilité, la plus intense de l'année : les offices sont de plus en plus longs et complexes, beaucoup de chants ne se chantent qu'une seule fois, et il est alors facile d'oublier quelque chose ou de se tromper, et les églises sont pleines comme jamais; tous revivent comme pour la première fois les derniers jours du Sauveur et Sa Passion et on n'a surtout pas envie de gâcher quoi que ce soit et de gêner le recueillement de quiconque. Si, de surcroit, nous prenons en compte le fait que le Triode de Carême, du point de vue de l'Ordo (Oustav) comme de son évolution historique, est notre livre le plus complexe, multiforme et varié, alors véritablement les membres du choeur se trouvent devant un objectif très ardu.
La Pâque du Christ est la première fête que la Sainte Eglise a célébrée. Les Saints Apôtres, tout de suite après l'événement même de la Résurrection du Christ, ont commencé à commémorer en prières cet événement le dimanche, et celà d'autant plus qu'il était devenu clair pour eux que la Pâque juive de l'Ancien Testament et la vénération du sabbat étaient les préfigurations de la Résurrection. Et, une fois par an, après la Pâque juive, ils marquaient par une veillée nocturne comme l'anniversaire de cet événement. Des sources du deuxième et troisième siècle nous informent qu'alors l'Eglise fêtait déjà toute la Semaine de la Passion en commençant par le Samedi de Lazare et l'Entrée du Seigneur à Jérusalem. Nous apprenons par les écrits de saint Irénée et de Saint Eusèbe de Césarée qu'au IIème siècle, les chrétiens en Orient comme en Occident jeûnaient toute la journée du Vendredi et du Samedi Saints, se préparant à la nuit de Pâques. Ils se référaient aux paroles du Sauveur: "Viendront des jours, quand on leur enlèvera l'époux, et ils jeûneront alors ces jours-là. (8) " L'écho de cette tradition s'est conservé dans le Triode de Carême actuel : selon l'Ordo, la Liturgie du Samedi Saint doit être la plus tardive dans l'année, puisqu'après elle, les croyants ne se séparaient plus mais restaient dans l'église, attendant minuit.

Progressivement, on a commencé à rajouter aux jeûnes et aux vigiles des Grands Vendredi et Samedi Saints des prières er des cérémonies particulières, commémorant les différents moments de la Passion du Seigneur; les notes des pèlerins sur la Pâque passée en Terre Sainte en 381 nous montrent que dès cette époque la Semaine de la Passion était entièrement fêtée. Les décrets du 1er Concile OEcuménique parlent déjà du carême de quarante jours avant Pâque comme d'une institution connue et existant depuis longtemps, et non comme d'une nouveauté. Ce carême est apparu non seulement pour se préparer aux jours de la Passion et à la Pâque mais aussi comme une période préparatoire pour les catéchumènes qui s'apprétaient au Baptême. A cette époque de l'histoire de l'Eglise, la majorité écrasante des gens se faisait baptiser à l'âge adulte et ceux qui étaient désireux de recevoir le Saint Baptême se préparaient en groupes. On préparait cette "fournée" printanière, si l'on peut dire, pour le Samedi Saint. Cela se pratiquait tout particulièrement dans l'Eglise de Jérusalem, et jusqu'à nos jours se sont conservées les Catéchèses baptismales de saint Cyrille de Jérusalem, où il s'occupe d'un tel groupe.

Des reflets de cette tradition subsistent dans le triode : à la Liturgie des Présanctifiés, le prêtre sort avec un cierge et proclame "La lumière du Christ resplendit sur tous" [ et à partir du jour de la mi-carême, aux litanies pour les catéchumènes s'ajoutent des litanies pour " ceux qui se préparent à l'illumination" c'est-à-dire au Baptême. Les Vêpres-Liturgie du Grand Samedi, en particulier, ont conservé beaucoup d'éléments remontant à cette période. Les longues parémies de ces vêpres, où sont énumérés les signes précurseurs de la Résurrection du Christ, étaient pour ainsi dire les dernières leçons de ceux qui se préparaient à la réception du mystère. Dans certains endroits, on baptisait juste après elles : c'est pourquoi juste après ces parémies viennent déjà des lectures pratiquement pascales des Apôtres comme de l'Evangile, et nous chantons déjà "Ressuscite Seigneur"  C'est aussi une des raisons pour lesquelles nous chantons tout au long de la Semaine Lumineuse : "Vous tous qui avez été baptisés en Christ &". Les parents et les proches des catéchumènes les accompagnaient et prenaient part à leur préparation, ils jeûnaient avec eux et bien sûr cette Pâque devait être pour eux particulièrement joyeuse. Le désir de ne pas perdre cette joie spirituelle les amena à réitérer le même "exploit" (podvig) les années suivantes et ainsi peu à peu s'est enracinée la coutume du carême de quarante jours pour tous les chrétiens, avant Pâque.

Les textes les plus anciens du Triode utilisé aujourd'hui ont été écrits au 6ème siècle. Ce sont les "tropaires des prophéties" des parémies lues à la sixième heure, des prières courtes, composées sur un rythme très net et résumant quelque passage des Saintes Ecritures, par exemple dès le lundi de la troisième semaine "Puisque les forces nous font défaut, et que nous sommes affaiblis par le péché, guéris le mal qui nous broie, Médecin de nos âmes, Tu connais le coeur de chacun, ô Ami de l'homme". Le tropaire des prophéties de mercredi et vendredi est la prière : "Devant Ta Croix nous nous prosternons ô Maître et Ta Sainte Résurrection nous la glorifions"  témoigne de l'ancienneté de notre prière du Grand Carême que nous aimons tant.

Un peu plus tard que ces tropaires, aux environ de 560, a été composé par saint Romain le Mélode l'acathiste à la Très Sainte Mère de Dieu que nous appelons habituellement "de l'Annonciation" et qui commence par la prière "A Toi le suprême stratège", avec le refrain "Réjouis-Toi Epouse Inépousée". Cet acathiste est considéré à juste raison comme étant l'un des chefs-d'oeuvre des écrits liturgiques orthodoxes et en général de la littérature byzantine tardive; on pourrait écrire un livre entier rien qu'à ce sujet. Il est composé de 24 kondakions et ikos : en grec, chaque kondakion commence par la lettre de l'alphabet suivante et c'est pourquoi il s'apprenait par coeur très facilement. Jusqu'à ce jour, dans de nombreux monastères grecs, on l'apprend et on le récite en accomplissant ses obédiences. Saint Jean de Changhaï le considérait comme l'acathiste le plus profond et le plus beau et nous avait donné sa bénédiction au monastère pour le lire justement devant notre icône miraculeuse et non celui écrit spécialement pour l'icône de Lesna : il pensait que personne n'écrirait jamais mieux que le vénérable Romain.

Selon toute vraisemblance, cet acathiste a été écrit quand l'Annonciation se fêtait en même temps que la Nativité, le deuxième jour, celui où nous fêtons désormais la Synaxe de la Très Sainte Mère de Dieu, puisqu'on y parle précisément beaucoup de l'Incarnation et de la Naissance du Sauveur. Au milieu du 6ème siècle, sous le règne de l'empereur Justinien, il a été décidé de fêter l'Annonciation le 25 mars et à cette même époque on a transféré à cette date le chant de l'acathiste; "A Toi le suprême stratège" constitue le kondakion de la fête. C'est au 14ème siècle qu'a été instituée la fête des Louanges de la Très Sainte Mère de Dieu, un office principalement composé de l'acathiste. Certains estiment que la fête des Louanges a été fixée pour accroître l'importance de l'Annonciation. Comme cette fête-ci, à de très rares exceptions, est célébrée pendant le grand carême, elle est fêtée beaucoup moins solennellement que toutes les autres douze Grandes Fêtes et n'a ni avant-fête ni après-fête. Les Louanges serviraient en quelque sorte de suite à l'Annonciation, d'autant plus que cette fête-là est fixée un samedi, quand le jeûne est d'une façon ou d'une autre moins strict. Cette opinion est confirmée par la ressemblance des textes des offices de ces deux fêtes puisque l'on retrouve les mêmes stichères et exapostilaires.

L'acathiste de la Mère de Dieu est le seul office composé de kondakions, ces poèmes liturgiques du vénérable saint Romain, qui soit resté dans le Triode de Carême d'aujourd'hui. Les événements et les Saints qui sont à présent célébrés les dimanches du Grand Carême: le Triomphe de l'Orthodoxie ou la réhabilitation de la vénération des saintes icônes le premier dimanche, saint Grégoire Palamas le deuxième, saint Jean Climaque le 4ème et sainte Sainte Marie l'Egyptienne le 5ème, ont été ajoutés au Triode assez tardivement. Le dimanche de l'Orthodoxie a été institué en 843 et la célébration de la mémoire de saint Grégoire Palamas et selon toute vraisemblance de saint Jean Climaque et Marie l'Egyptienne seulement au 14ème siècle. Auparavant, ces jours dominicaux étaient consacrés à d'autres saints ou paraboles de l'Evangile : aux saints prophètes et patriarches, séparément au saint et juste Noé, à Joseph le Magnifique dont nous faisons mémoire de nos jours le mardi de la Semaine de la Passion, au Fils prodigue, au bon Samaritain, au riche avec le pauvre Lazare. Saint Romain le Mélode avait écrit des kondakions sur tous ces thèmes qui, malheureusement, ne sont absolument plus utilisés de nos jours et beaucoup n'ont pas même été traduits en slavon d'église; nous ne les connaissons que par les anciens manuscrits grecs. Mais ces évocations elles-mêmes sont en partie conservées dans le Triode; on le voit dans le canon des matines dominicales : la deuxième semaine du carême, on lit le canon du Fils prodigue avec celui de saint Grégoire Palamas, de même le canon du bon Samaritain avec celui de saint Jean Climaque, le canon du pauvre Lazare avec celui de sainte Marie l'Egyptienne. Il est possible que les semaines préparatoires au Grand Carême: Zachée, le Publicain et le Pharisien, le Fils prodigue et le Jugement dernier, apparues dans le Triode de Carême seulement au 14ème siècle, aient été introduites au moment où ont été fixés les dimanches du carême que nous connaissons ; afin de ne pas effacer complètement ces textes, on les a transférés dans un temps hors-carême.

Le Grand Canon de pénitence de Saint André de Crête, qui de nos jours orne si bien nos première et cinquième semaines du carême, a été composé par lui au début du 8ème siècle, à la fin de sa vie. car il s'y lamente souvent de son grand âge et l'avait écrit pour son usage personnel dans sa cellule. Il est devenu un trésor pour toute l'Eglise et a été inclus dans le Triode au 10ème siècle.

A la fin du 8ème siècle saints André et Stéphane du monastère de Saint-Sabbas ont écrit les tropaires idiomèles du grand Carême, deux pour chaque jour du Grand Carême. Ils sont chantés désormais aux apostiches des Matines et des Vêpres ou, s'il n'y en a pas, comme par exemple aux vêpres quand il y a une Liturgie des Présanctifiés, au moment du Lucernaire : "Seigneur je crie vers Toi". Ils expriment d'une façon particulièrement profonde l'idée de l'exploit du jeûne ; ainsi, le tout premier jour du carême, nous chantons : "Offrons un jeûne agréable au Seigneur, car le jeûne véritable, c'est l'éloignement du péché; plus de bavardages et trêve au courroux, aux mauvais désirs, aux injures, aux mensonges, aux faux serments: en nous abstenant de tout cela nous ferons un jeûne véritable et agréable " (9) .

Le Typikon met particulièrement ces tropaires idiomèles en relief. On les chante pratiquement toujours deux fois mais ils ne sont jamais supprimés, c'est pourquoi souvent à cause d'eux, même lors de grandes fêtes telles que l'Annonciation, l'Invention du Chef de saint Jean Baptiste, la Grande Doxologie ne se chante pas mais se lit. Si la Grande Doxologie est lue, alors les apostiches des Matines ne sont pas omis et par conséquent le tropaire idiomèle du jour est chanté. Ces tropaires idiomèles sont très remarquables aux Matines du dimanche, où on les chante aux Laudes - {dfkbnt comme une 9ème stichère en surplus et ensuite où ils remplacent le "Gloire " exapostilaire. Par exemple, le deuxième dimanche du Carême, aux laudes, on chante 5 stichères de la Résurrection, 3 pour Saint Grégoire et puis le tropaire idiomèle du jour "Sur ceux qui cheminaient dans les ténèbres du péché, en ce temps d'abstinence Tu T'es levé comme la lumière ô Christ &"

Au 9ème siècle dans le Triode de Carême s'est imposée la structure à peu près telle que nous la connaissons. Les hymnographes du monastère du Stoudion à Constantinople l'ont complété et réécrit de manière significative. Deux frères ont particulièrement travaillé à cette entreprise: les vénérables Théodore et Joseph. Le monastère de saint Théodore Studite était l'un, sinon le tout premier monastère orthodoxe avec une vie en communauté dans le sens où nous l'entendons, avec une très nombreuse confrérie et une vie régulée de façon stricte. Là il n'y avait déjà plus la liberté que nous sentons, disons chez les moines de Thébaïde ou de Scétée, où un moine pouvait, si cela lui semblait important et utile pour son expérience spirituelle, prier sans arrêt pendant quelques jours et nuits d'affilée, en lisant les Psaumes et les Saintes Ecritures, manger seulement lorsque cela lui semblait nécessaire et travailler à quelque ouvrage manuel quand il avait besoin d'argent, ou simplement même se rendre à la ville la plus proche et demander l'aumône. Dans le monastère Studite, il fallait penser à entretenir les frères et une grande exploitation, ce qui exigeait des règles précises, une répartition des responsabilités et des devoirs très précise et bien sûr un emploi du temps très exact. Cela ne pouvait pas ne pas se refléter dans les offices divins. Le travail effectué par le monastère Studite dans nos livres des offices était dans sons essence plus de l'ordre de la rédaction que de celui de la création.

C'est à cette époque, quand a été rédigé le Triode, qu'ont sans doute été supprimés les kondakions de saint Romain le Mélode et d'autres écrivains de chants de l'Eglise de Constantinople, comme ne convenant pas aux offices divins monastiques. Les kondakions étaient musicalement très compliqués, leur interprétation exacte exigeait une certaine somme de connaissances, sans parler des capacités musicales et du talent, et dans les églises de Constantinople, ils étaient interprètés par des solistes, comme nous le voyons sur les icônes de la Protection de La Très Sainte Mère de Dieu, par exemple. Sur la plupart des icônes, saint Romain, contemporain de l'événement, est représenté sur une chaire avec un rouleau de parchemin, chantant un kondakion. De telles "mises en scène" ne semblaient pas à leur place dans un monastère aux moines studites et ils les ont raccourcies ou les ont remplacées par d'autres écrits.

Saints Théodore et Joseph ont réparti le matériel existant sur les différents jours ou offices et ont complété par écrit ce qui manquait. Leur plus grand travail de création a été les canons des Matines des jours de la semaine, des canons courts avec chacun trois chants qui ont par là-même donné à ce livre le nom de Tri-ode : "ode " en grec pour chant, c'est-à-dire "Le Livre des trois-chants". Saint Joseph a écrit le premier canon et saint Théodore le second. Ils sont composés en majeur partie de tropaires de repentir mais coïncident avec les jours de la semaine, le lundi avec les Puissances célestes, le mardi avec le Précurseur, le mercredi avec la Croix, le jeudi avec saint Nicolas et les saints Apôtres, le vendredi à la Croix, le samedi aux martyrs et aux défunts. Saint Théodore a de même écrit de beaux stichères qui sont chantés aux vêpres dominicales et qui nous invitent pour ainsi dire à la semaine qui va commencer. Par exemple le dimanche de la cinquième semaine nous chantons : "Commençant avec ardeur la sixième semaine du Carême Saint, fidèles, chantons au Seigneur un chant de louange pour l'avant-fête des Rameaux..."

Les canons de la sixième semaine sont particulièrement émouvants, ils nous parlent de la maladie, de la mort de Lazare, l'ami du Christ, et nous prépare déjà à la Semaine de la Passion. Le lundi nous lisons: "La maladie de Lazare en ce jour est révélée au Christ ..., dans Sa prescience il déclare cependant: cette maladie ne conduit pas à la mort.". Le mardi nous entendons " Lazare souffre la maladie, ô Fils de Dieu, pour qu'en lui Tu sois glorifié..."  Le mercredi nous apprenons " En ce jour Lazare meurt ..." et le jeudi " Lazare est enseveli et les compagnes de Marthe, près du tombeau, pleurent et se lamentent maintenant..." mais déjà "La mort commence à prendre peur en pressentant Ta venue..."et nous apprenons que le Christ est déjà en chemin "Allons, disais-Tu à Tes amis, notre ami Lazare déjà s'est endormi : en le ressuscitant je détruirai pour l'éternité la cruauté de la mort qui anéanti tout."

A cette même époque appartiennent les écrits de la seule femme écrivain connue de textes liturgiques, la sainte vénérable Cassia. Femme de toute beauté et instruite, elle fut proposée comme fiancée à l'empereur byzantin Théophile. Faisant connaissance et examinant les fiancée proposées, l'empereur Théophile se plaignit à haute voix de devoir se lier avec les femmes puisque par la femme s'était produit le péché originel, ce à quoi Cassia lui répondit avec beaucoup de justesse que c'est aussi par la femme, par la très Sainte Mère de Dieu, qu'est venu au monde le salut. Elle ruina par là-même ses chances de devenir impératrice et personne d'autre n'osa par la suite l'épouser, de crainte que cela puisse paraître offensant pour l'empereur. Ainsi entra-t-elle au monastère où elle consacra son don de la parole à Dieu, et de sa plume sont nés quelques uns des plus beaux stichères du Triode par exemple "La chaste pécheresse...", cette pécheresse repentante qui dans la maison de Simon a répandu de la myrrhe sur les pieds du Sauveur, les a lavés de ses larmes et essuyés de ses cheveux (10) , et aussi la première partie du canon "Jadis sous les flots de la mer " (11)

Nombre des oeuvres les plus populaires du Triode ont été écrites bien plus tard. Le canon des "Pleurs de la Très Sainte Mère de Dieu" qui est lu après l'exposition de l'Epitaphios (12 ) a été écrit au 12ème siècle, "Ouvre-moi les portes de la pénitence" apparaît pour la première fois dans le Triode au 14ème siècle et les stances pour l'office de la Sépulture ont été composées au 15ème siècle. En ce qui concerne l'exposition de l'Epitaphios, en fait, rien n'est dit ni dans le Triode ni dans le Typikon et cette cérémonie n'a pas été élaborée avant le 14ème siècle.

En relation avec le Triode de Carême, il faut parler ne serait-ce qu'un peu de la Liturgie des Présanctifiés, dont la célébration est réservée aux mercredis et le vendredis du Grand Carême, aux fêtes de l'Invention du Chef de Saint Jean Baptiste et des Quarante martyrs de Sébaste, au jeudi du Grand Canon durant la 5ème semaine et aux trois premiers jours de la Semaine de la Passion. Dès le 4ème siècle, il était établi que l'on ne devait pas célébrer la sainte Liturgie les jours de la semaine pendant le carême, puisque cet office est trop solennel et festif pour cette partie de l'année consacrée à la pénitence. Mais beaucoup trouvaient difficile de ne pas communier aux Saints Mystères pendant toute une semaine, aussi ce rite a-t-il été institué, suivant la tradition par saint Grégoire le Dialogue, pour donner la communion au milieu de la semaine. En fait, la Liturgie des Présanctifiés se compose de vêpres, un peu plus solennelles que d'ordinaire, au milieu desquelles les Saints Dons, sanctifiés le samedi ou le dimanche précédent, sont transférés sur l'autel et distribués aux croyants.

Encore en relation avec le Triode de Carême nous pouvons parler de la Transfiguration du Seigneur. Si nous nous remémorons dans sa continuité l'histoire des Evangiles, alors nous réalisons que le Seigneur S'est transfiguré sur le Thabor quarante jours avant Sa Passion, pour renforcer la foi des apôtres, "Lorsque qu'ils Te verront crucifié" - chantons-nous dans le kondakion - "ils comprendront alors la Passion volontaire". Pourquoi donc alors fêtons-nous la Transfiguration le 6 août et non pas quarante jours avant le Grand et saint Vendredi, c'est-à-dire pendant la semaine du Carnaval ou la première semaine du Carême ? La Sainte Eglise a considéré la Transfiguration comme étant une fête trop importante et solennelle pour une période de carême et pour cela a décidé de la fêter quarante jours avant une autre fête, l'Exaltation de la Croix. Afin de rappeler aux croyants le lien entre la Transfiguration et Sa Croix et Sa Passion, nous chantons à cette fête comme katavassia, les hirmi de l'Exaltation, dédiés à la Croix " La Croix dessinée par Moïse..."

Je n'ai pas effleuré le sujet des particularités des offices de la semaine de la Passion mais cela exigerait un autre exposé. J'espère que ces brèves informations sur l'évolution du Triode de Carême vous aideront selon les paroles d'un des hymnographes, à "accomplir les quarante jours d'une façon utile pour l'âme" et à "vous incliner dignement devant la Passion du Christ."

Moniale Evfrosyna

Exposé présenté au 5ème Stage de Chant liturgique du Diocèse d'Europe Occidentale au Couvent de Lesna en juillet 1997
traduit du russe par C. Savykine


Notes :
1) Hirmos de la 1ère ode dans le Canon de saint André de Crète

2) Tropaire des Matines au début de la Semaine de la Passion.

3) Exapostilaire des Matines au début de la Semaine de la Passion.

4) Exapostilaire des Matines le Vendredi Saint.

5) Hirmos de la 5ème ode au Canon des Matines le Vendredi Saint.

6) Tropaire des Matines du Samedi Saint.

7)Hirmos de la 1ère ode, Matines du Samedi Saint.

8) Math. 9 : 15.

9) Apostiches des Vêpres du Lundi Pur.(1ère semaine du Grand Carême)

10) Apostiches des Matines et Lucernaire des Vêpres du Mercredi Saint

11) Canon des Matines du Samedi Saint.

12) Vénération du Linceul du Christ auxVêpres de l'Ensevelissement le Vendredi Saint

 

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